Textes croisés

En guise de clin d’œil humoristique, petit retour sur un extrait du spectacle “Le Goût du Jour”, ou comment se mêlent deux œuvres de Louise Labé et Alphonse Allais…

Pour Elle et Lui, l’Amour passionné se vit dans le bonheur et la plénitude ; jamais il n’est question qu’il s’égare dans les sentiments auto-destructeurs ou les excès larmoyants auxquels il est pourtant trop souvent associé. C’est ainsi que dans “Le Goût du Jour”, le couple se moque gentiment de ce genre de travers pathétiques, histoire de mieux montrer comment les éviter. Pour ce faire, ils revisitent de manière très décalée deux textes respectivement d’Alphonse Allais et de Louise Labé, dont voici les références et extraits originaux :

Alphonse Allais (extrait de “Complainte amoureuse”) :

Oui dès l’instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me plûtes
De l’amour qu’en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous aperçûtes
Ah ! Fallait-il que vous me plussiez
Qu’ingénument je vous le dise
Qu’avec orgueil vous vous tussiez
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et qu’enfin je m’opiniâtrasse

Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez

Louise Labé (extrait du recueil “Sonnets”) :

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Daphné Cornez, auteur du spectacle, a en réalité agencé les deux textes de façon particulièrement originale, puisque ceux-ci se croisent : Elle (par du Louise Labé) répond à Lui (déclamant Alphonse Allais), et vice-versa, par un jeu de strophes entremêlées, le tout rendu plus cocasse encore par l’accompagnement musical et l’ensemble de la mise en scène… que nous inviterons bien sûr à venir (re)découvrir sur les planches plutôt que de vous les décrire !

Ayant mis en évidence le comique incongru de la situation, ainsi que ce piège facile dans lequel ils ne tomberont pas, Elle et Lui reprennent aussitôt le cours de leur scénario, celui du grand Amour, synonyme de vie et non de souffrance, et grâce auquel la passion se fait joie, pour aller de pair avec la sérénité et l’harmonie. Là encore transparaît l’un des messages essentiels de “Elle, Lui… l’Amour !”

Illustration de cette félicité, c’est un texte d’Emile Verhaeren, également revisité dans la pièce, que nous vous offrirons dans quelques jours…